Derrière ce titre volontairement provocateur se cache une réflexion sur le devenir de l’Endurance Karting alimentée par l’analyse des dernières 6 Heures du Mans et l’annulation des 24 Heures. Professionnels réputés pour leur sérieux et leur grande connaissance de la compétition à tous les niveaux, Henri et Jean-Jacques Malevaut ont bien voulu partager leur point de vue sur une discipline qu’ils affectionnent et pratiquent depuis bien longtemps.
Jean-Jacques, quelle est votre vision de l’Endurance Karting en 2021 ?
Pour comprendre où nous en sommes actuellement en Championnat de France Endurance, il est indispensable de souvenir du passé de cette discipline dans laquelle Malevaut Sport est impliqué depuis plusieurs décennies. Les véritables exploits techniques et sportifs réalisés par les grandes équipes qui ont marqué l’histoire de l’endurance restent dans les mémoires de tous les passionnés. Sarthe RTKF ou Kartmag en ont sans doute écrit les plus belles pages dans la catégorie reine, comme Technikart en Rotax. Le niveau de préparation du matériel pour les 24 Heures Karting du Mans reflétait le travail d’une année entière. Les équipes pouvaient compter sur plus de 50 membres pendant les deux tours d’horloge. Il s’agissait de passion plus que de gros investissement financier, grâce à l’extraordinaire implication de bénévoles, dans la lignée des origines du karting.
Qu’est-ce qui a changé depuis les grandes heures de l’Endurance ?
Tout a changé ! Les pionniers ont pris une retraite bien méritée, les bénévoles se font rares, ce qui ne va pas sans poser de problèmes pour les organisations de courses, et surtout les mentalités ont évolué. La compétition karting s’est professionnalisée, les attentes des pilotes ne sont plus les mêmes dans une société tournée vers le plaisir immédiat. Je ne critique pas cette évolution, j’en fais simplement le constat. Préparer les karts pendant plusieurs mois, monter des structures de grande envergure, cela n’est plus possible aujourd’hui tout simplement parce que ce serait hors de prix et qu’aucun client ne voudrait ou ne pourrait s’offrir ce luxe. L’arrivée d’un moteur fiable comme le Rotax MAX a simplifié les choses, mais les renforts des châssis, les systèmes de ravitaillements rapides, la fabrication des freins spécifiques et mille autres détails indispensables restent des points coûteux en temps et en argent. Le déclin progressif des plateaux d’endurance à partir des années 2000 a montré que la discipline ne faisait plus recette dans le contexte actuel. Les pilotes se font plus rares tandis que les teams ne peuvent plus assurer des prestations complètes abordables.
Est-ce la fin l’Endurance ?
Certainement pas ! Le plaisir de rouler en équipe sur des courses de 6 heures ou de 24 heures est irremplaçable et la demande est toujours présente. Par contre, je pense que l’endurance telle qu’on l’a connue ne peut pas continuer longtemps. La situation a montré ses limites lors de la saison 2021 du Championnat de France Endurance avec un nombre réduit de participants et l’annulation de deux épreuves annulées.
Heureusement, il existe une autre manière d’envisager la suite pour que la discipline perdure. Cette formule existante a déjà fait ses preuves permettant à pratiquer l’endurance avec un budget beaucoup moins élevé : la course à l’américaine.
Quels sont donc les avantages de la compétition à l’américaine ?
Il s’agit tout simplement d’utiliser deux karts par équipe. Les machines n’ont plus besoin d’être spécialement préparées pour l’endurance, chaque pilote pouvant courir avec son propre kart standard. Plus de besoin de faire appel à des systèmes de freinage et de ravitaillement spécifiques puisque la maintenance d’un kart peut être assurée tranquillement dans le stand pendant que l’autre est en piste. L’investissement de départ est considérablement réduit de même que le coût de chaque course où deux mécaniciens suffisent pour gérer alternativement les deux machines de chaque équipage. L’usure du matériel est moindre, un kart pouvant être revendu dans un état quasi neuf, à peine rodé, au terme d’une épreuve de 24 heures.
Grâce à un budget ainsi très limité, l’endurance redevient une discipline accessible à un grand nombre de pilotes. Les teams peuvent monter facilement plusieurs équipages et proposer des prestations abordables aptes à satisfaire tout le monde. Il ne s’agit pas d’imposer une formule au détriment d’une autre, mais de laisser chacun choisir son approche de l’endurance. Je pense que cette nouvelle approche doit être considérée sérieusement à l’heure où la discipline a besoin de renouveau.
Info FFSA / Photo© KSP